À vingt ans, tu prends de l’élan, rebondis et retombes toujours sur tes pattes, vers l’avant, tout en souplesse.

Tu varappes des montagnes, fais le grand écart, sautes à l’élastique, voles la montgolfière, vas tout droit, sans détour, sans se retourner.

Incessant, jamais ne s’arrête d’être, de penser, d’exister, de sucer le temps. Mouds le grain, bats le fer, sculptes les pensées, façonnes les minutes, cisèles les secondes, empirises, vampirises, bois à mille sources.

Tu flèches à l’arc, clignes la gazelle, chasses l’allégresse, pistes l’onirisme, alcoolises ton sang, émoustilles tes sens, mordilles le téton de la déesse.

Chercheur inlassable, curieux infatigable, flaires, espionnes, creuses, grattes l’os et atteins la substantifique moelle.

Mais cependant, tu papillonnes, t’amuses du coq à l’âne, te disperses, t’éclabousses en poussière d’étoiles et finalement t’étioles.

Tu ne sais plus et voilà que tu as trente ans. Le moment de se recentrer, refocaliser, réitérer, abandonner tes regrets.

Tu matures, tu mijotes en cocotte, tu te lutes et te dorlotes.

Tu t’embobines, te fais de vaines belles promesses, t’emberlificotes, te momifies de crème hydratante au concombre, t’yves-rochéises, te calcifies, te vitaminises, te collagénises.

Tu regardes en arrière, t’interroges, questionnes ton image, sélectionnes les amis et choisis le plus mariable des amants.

Tu circonvolutionnes, hésites, avances, trois pas en arrière, deux sur le côté, gamberges, restes sur une jambe, abandonnes.

Tu t’économises, planifies l’épargne, projettes l’assurance vie, te P.E.L.ises, blindes les portes, balises les minutes.

Tergiversations, bruxisme et céphalées, ostéoporose prématurée et vertiges paroxystiques bénins, tu bullotes, tu boulottes, tu t’arrondis, tu grignotes et tu deviens parent.

Et bientôt viendra la sagesse des quarante ans.