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Miss D.

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  • : « Avant d'être un art, la poésie est une manière de vivre et de sentir. » Laurent Terzieff
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« Mais pourquoi ne vivrait-on pas sans raison ? Je veux dire, sans autre raison que celle de vivre, précisément, avec toutes ses conséquences. » Exercices de survie, Jorge Semprun.

id.entité

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Le petit Poucet avait une amie qui se prénommait Margot et qui habitait la maison voisine. Petite et chétive comme lui, moins robuste que ses sœurs, ses parents lui avaient confié le rôle de s’occuper des poules et se désintéressaient d’elle au point de la faire dormir dans le poulailler.

Mais Margot aimait ses poules et les menait souvent promener dans la forêt où elles trouvaient à assouvir leur gourmandise naturelle en picorant des vers et autres petits insectes de cette sorte.

Poucet connaissait l’existence du petit sifflet à oiseaux dont se servait Margot pour rassembler ses poules et revenir chez elle sans qu’il en manquât une, sans quoi le père de Margot l’eût battue jusqu’au sang.

Tôt ce matin, ses célèbres petits cailloux blancs en poche, Poucet se glissa donc hors de chez lui jusque dans le poulailler et tint messe basse avec sa chère Margot. Il lui exposa son plan : « grâce à mes petits cailloux blancs semés tout au long du chemin, je ramènerai sans encombre mes frères au logis, cependant j’ai bien remarqué l’autruche qui rôde par chez nous. »

« Oui, s’exclama alors Margot, elle nous a mangé une poule il y a de cela deux matins déjà ! »

« Je crains bien qu’elle ne vienne à manger mes petits cailloux, ajouta le petit Poucet, j’ai alors pensé que tu pourrais nous aider ma chère Margot. Nul ne se soucie de moi dans ma famille et aucun ne sait que je me dirige parfaitement bien en suivant les sons. »

Margot, qui était bien plus futée que les enfants de son âge, comprit de suite ce qu’il voulait qu’elle fit.

Ainsi, après que les parents du petit Poucet eurent semé leurs enfants dans la forêt et que l’autruche eut, hélas, avalé tous les petits cailloux blancs, le son du sifflet à oiseaux de Margot permit à Poucet de ramener ses frères en leur logis.

Les parents furent bien surpris, et fort contrariés, de les voir revenus mais n’en montrèrent rien et firent mine d’être soulagés d’une grande angoisse. La mère improvisa alors une grande soupe à l’eau et aux petits cailloux blancs dont chacun put se régaler. Repus, on alla se coucher car le lendemain il fallait retourner dans la forêt chercher du bois.

La liesse de ce soir-là ne rendit que plus méfiant notre petit Poucet qui ne ferma pas l’œil de la nuit. Et grand bien lui fit.

Au milieu de la nuit, le père et la mère murmurèrent de nouveau entre eux. Une fois encore, caché sous l’escabelle de son père, il ouït que ses parents ourdissaient de recommencer à les perdre dans la forêt.

Mais cela suffisait ! Le petit Poucet bondit, se cogna contre l’escabelle, étouffa un cri de douleur et sortant de sa cachette sous les yeux ébahis de ses parents, se précipita dans la chambre de ses frères. Leur contant l’histoire par le détail et depuis son origine, leur démontrant combien il avait jusque là œuvré pour le  bien d’eux tous, il parvint sans mal à les rallier à sa cause.

Le bonnet de nuit de guingois et la chemise de nuit fripée, mais le poing serré et l’œil vif, tous, ils se présentèrent devant leurs parents. L’aîné fit un pas en avant et annonça d’une voix claire : « Père, mère, au vue de ce que nous apprenons ce jour, nous avons décidé de faire grève, et ce, sans préavis. » Et tous, d’un même mouvement, de claquer du pied en signe de ralliement.

Leur mère pleurait et gémissait après l’innocence perdue de ses enfants, cependant que leur père, entre rire et rage, proposait une réunion de négociation au petit matin, qui n’allait d’ailleurs pas tarder à se lever, avec leur représentant, le fils aîné.

« Mais enfin que voulez-vous de nous ? » tempêtait le père à son fils aîné.

« Que vous preniez soin de nous, comme un père et une mère se le doivent ! »

« Mais enfin, nous sommes au XVIIe siècle, ce n’est pas une chose qui se fait dans nos milieux ! Les enfants, ce n’est bon à rien. »

« Tu es rétrograde, mon pauvre papa. Il faut savoir évoluer. La Révolution est en marche. » scandait le fils.

« Non, là, tu vas un peu vite en besogne, mon fils. » disait le Père radouci, et un peu impressionné, disons-le, par la maturité de son fils.

« Voilà ce que nous vous proposons. Désormais, chacun de nous aura un rôle précis à jouer au sein de notre communauté et ne pourra, sous aucun prétexte, faillir à sa tâche. Notre famille perdurera ainsi grâce à la persévérance et l’implication de chacun. En contrepartie de quoi, il vous sera formellement interdit de tenter de nouveau de perdre aucun de vos enfants, aussi faible soit-il. Allez, signe en bas. » Le ton du fils aîné était sans appel. Et le père signa.

Et ce fut le début d’une ère nouvelle pour la famille du petit Poucet qui devint célèbre dans toute la contrée pour le bonheur qui y régnait.

Il vint aux oreilles du Roi le bonheur de cette famille et cela l’intrigua. Il les fit venir à sa cour et leur demanda par quel extraordinaire ils étaient si heureux.

Chacun, tremblant, impressionné par la prestance du Roi, n’osait dire mot. Le petit Poucet s’avança jusqu’à l’oreille du Roi et lui narra sans doute l’histoire et plus encore mais personne n’en sut jamais rien.

En vérité, Poucet avait passé un marché avec le Roi. Chaque soir, il viendrait lui narrer une histoire nouvellement inventée que le Roi pourrait reprendre à son compte et racontait à son tour à sa petite fille de 5 ans qui ne parvenait jamais à s’endormir paisiblement.

Ainsi naquit ce qu’on nomma plus tard le Conte.

Mais je ne dois cependant pas omettre de vous dire que le petit Poucet et sa chère Margot se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Et je me dois également de vous conter la moralité de cette histoire : « Mieux vaut avoir un frère révolutionnaire qu’un petit caillou blanc dans sa poche, surtout quand une autruche caillouvore rôde. »

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