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Miss D.

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  • : « Avant d'être un art, la poésie est une manière de vivre et de sentir. » Laurent Terzieff
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« Mais pourquoi ne vivrait-on pas sans raison ? Je veux dire, sans autre raison que celle de vivre, précisément, avec toutes ses conséquences. » Exercices de survie, Jorge Semprun.

id.entité

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Les livres, c’est toute ma vie.

Je ne me rappelle pas avoir jamais vécu sans.

Mes tout premiers souvenirs sont liés à eux.

À une voix en fait. Une voix de femme.

Je m’appelle Marion. Et je suis asociale.

« Asociale » comme on dit autiste ou sourde-et-muette.

Ma vie s’est construite autour des livres. Pour ne pas dire que ce sont eux qui l’ont bâtie.

Petite, j’avais peur de la nuit ; alors je regardais les images et j’oubliais le noir.

J’avais peur des gens, alors je me cachais, recroquevillée, dans les creux de la bibliothèque.

J’avais peur du jour et de devoir sortir, alors je piquais des colères terribles.

Et la voix toujours était là pour m’apaiser. Cette voix me racontait des histoires ; elle ouvrait de grands livres dont j’adorais caresser le papier ivoirin et dessiner le contour des images, du bout des doigts.

Épuisée par l’énergie que je dépensais à résister au monde extérieur, je finissais pas m’assoupir.

Je vivais dans un monde merveilleux, peuplé de chevaliers, de forêts, d’affreux méchants et de princesses que j’imaginais belles et muettes.

Plus tard, on m’a mis dans un endroit plein de gens bizarres, étranges et drôles, tout droit sortis me semblait-il d’un de ces grands livres illustrés de mon enfance.

Là une autre voix est venue, plus grave, plus inquiète aussi, qui me parlait d’un monde où elle voulait m’emmener.

Et puis, il y a eut les lettres, calmes et douces, sagement organisées sur le papier et je me suis racontée des histoires.

Et le monde extérieur est venu à moi, tout doucement, sans me brusquer. J’ai appris la vie. Enfin je crois.

C’est moi là sur la photo. J’écoute mes livres préférés. Je les connais par cœur ; j’en murmure des paragraphes entiers. Surtout quand j’ai peur.

Un jour la voix grave a pris cette photo. Elle me l’a montrée et m’a dit : « Regarde Marion comme tu es belle ! Il faut vivre maintenant. »

Je l’ai regardé avec de grands yeux plein de larmes et j’ai su.

J’ai su que plus jamais je n’entendrais sa voix.

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